DE LA MASCULINITÉ - vue par André LEDOUX, un Médecin québécois

Article publié au Québec le 10 octobre 2010

 

L’identité masculine, il faut bien l’avouer, est plutôt dans un état instable par les temps qui courent. Le féminisme, le féminisme radical surtout, a fait des siennes et beaucoup d’hommes ont écopé : leurs attributs masculins ont été parfois bafoués au point où plusieurs en ont perdu leurs repères. Travail, mari et père, trois concepts qui proposent maintenant un rôle masculin bien différent, les femmes étant de plus en plus présentes sur le marché de l’emploi, le mari et le père remplacés à souhait dans la famille d’aujourd’hui.

À l’heure de l’influence féminine

Au Québec, la venue du féminisme, ses luttes et sa prépondérance, a certes permis aux femmes de progresser dans la conquête de leurs droits et liberté : elles ont su grandement transformé leur milieu de vie. Qui plus est, les valeurs dites féminines (intériorité, prudence, empathie, conservation, pacifisme), d’alléguer l’éditorialiste Mario Roy, de La Presse, constituent aujourd’hui les étalons de mesure à partir desquels tout est jugé. Ce n’est pas peu dire. Ces changements ont profondément marqué la vie des hommes. Il est alors pertinent de croire que la mouvance féministe est inséparable d’une condition masculine qui suscite actuellement bien des interrogations et des inquiétudes. On peut littéralement parler de crise de l’homme.

Dans la société actuelle, une société de plus en plus féminisée, il est quasi indispensable de ne pas faire l’éloge des femmes et de la féminité sous peine d’être mal perçu par son entourage. Et devant la mise en relief des valeurs féminines et le refus des valeurs masculines, beaucoup d’hommes se sont écrasés…

Comme l’explique si bien Élisabeth Badinter :

Débarrassés, pour une fois, du carcan de la bien-pensance, les hommes, toutes générations confondues, ne se gênent pas pour dire leur mal-être et leur ressentiment à l’égard des femmes qu’ils considèrent comme les grandes gagnantes des trente dernières années. Dépossédés, désorientés, amers ou inquiets, ils s’imaginent dans leurs pires cauchemars un futur d’homme-objet, castré, inutile (même dans la reproduction). Les plus vieux parlent des championnes qui les ont terrassés; les plus jeunes de domination féminine. Tous redoutent peu ou prou leurs nouvelles rivales.*

Les hommes ont donc souvent la perception d’être victimes d’une émancipation féminine qui a bouleversé la hiérarchie des valeurs. Rien d’étonnant à ce qu’ils puissent mettre en doute leur masculinité et vivre les affres d’une instabilité qui ne trouve pas facilement d’issue.

Une notion de la masculinité

À cette époque de perturbation et de désarroi pour les hommes, une question demeure fort appropriée : en quoi consiste la masculinité ? C’est l’ensemble des caractères spécifiques qui font un homme. Virilité ! le mot qui peut tout résumer. Être masculin, c’est être viril. Mais c’est un peu court comme explication.

La masculinité peut être définie comme l’ensemble des qualités ou des caractéristiques généralement attribuées à l’homme, telles que la force, la virilité, la compétition, la vaillance, la mise en valeur personnelle, le travail, l’autonomie financière, l’esprit de décision, la réussite sociale, le pouvoir, la domination, l’indépendance, la maîtrise de soi, l’ambition, une certaine agressivité, le dépassement, etc., le mode de socialisation masculine incitant les hommes à développer quelques-unes d’entre elles, dont l’autonomie et le sens de la compétition. Bien sûr, ce sont toutes des qualités qu’on peut relever chez les femmes. Mais, généralement, ces attributs constituent l’essence même de l’homme et sont à la base du masculin; ils contribuent à donner du sens à vie des hommes. Enfin, la masculinité est forcément liée à l’estime de soi qui donne force et confiance dans la gestion de sa vie.

Pour mieux cerner ce qui maintenant construit un homme, il importe de distinguer entre le sexe et le genre. Le sexe, mâle ou femelle, est donné à la naissance; il relève d’une catégorie anatomique et sa fonction demeure la reproduction. C’est ainsi qu’on naîtrait mâle ou femelle avec des attributs spécifiques. Le sexe peut donner jusqu’à un certain point une base à l’identité. Ainsi, la testostérone joue évidemment un rôle important dans le développement de la masculinité et il est bien difficile, pour un homme, d’échapper à la pilosité ou à une voix grave. Et qui peut prétendre que l’hormone n’influence absolument pas la manière de penser ?

Le genre, lui, est une configuration sociale et révèle habituellement une apparence, des attitudes, un maintien ou un style de vie. La féminité ou la masculinité se construisent par l’expérience, au fur et à mesure que l’on avance dans la vie. C’est ici, bien sûr, que le féminisme a rattrapé les hommes. Quand on affirme que la société actuelle est de plus en plus féminisée, cela signifie que le masculin n’a plus le haut du pavé, que les qualités féminines, encore une fois, sont davantage valorisées, que les femmes occupent de plus en plus de place dans l’espace public, ce qui n’est pas un mal en soi. Mais c’est un phénomène qui perturbe la vie de certains hommes.**

Pour que l’homme réaffirme son identité

Et comment l’homme d’aujourd’hui peut-il maintenant bâtir ou renforcer son identité si intimement liée à sa masculinité ? Loin de nous l’idée de fournir une réponse exhaustive, en si peu d’espace, à une telle interrogation. En premier lieu, l’homme peut raffermir son identité par une prise de conscience de ses besoins fondamentaux. La pyramide de Maslow, un psychologue du comportement humain, est fort indicatrice de ces besoins à satisfaire. Après les besoins primaires de la physiologie et de la sécurité, vient ce besoin ultime qui est la réalisation de soi. Par des projets dynamiques, les hommes doivent apprendre à s’imposer et à vivre heureux.

De ces besoins satisfaits, il découle une autre façon de mieux assumer son identité : c’est de donner du sens à sa vie. Celui à qui échappe la signification de son existence risque fort de plonger dans les dépendances ou dans la maladie, car les incertitudes du quotidien, le mal de vivre, la peur de la mort auront tôt fait de venir à bout de ses motivations et de son bonheur de vivre.

Se poser ces questions, c’est donc le début d’une réflexion sur la signification de la vie, mais il faut aller plus loin. En effet, il importe de découvrir ce que l’on croit de la vie, quelle croyance on nourrit envers l’être humain et quels sont les intérêts qui nous animent. On doit aussi accepter les dures réalités du quotidien, la souffrance, le mal, les échecs qui sont souvent notre lot et qui caractérisent la condition humaine.

La spiritualité peut nous apporter réconfort et joie de vivre, tout en nous faisant mieux comprendre les raisons d’être de notre existence. Prise au sens large, la spiritualité se veut une sorte de philosophie de la vie qui rend l’existence plus significative; la démarche spirituelle se rattache à toute recherche de sens et, plus précisément, à une relation avec la transcendance, Dieu, le Cosmos, le Vrai, le Beau, peu importe de quoi ou de qui il s’agit.

Bref, c’est par une affirmation de soi, une prise en charge en bonne et due forme de lui-même, en satisfaisant ses besoins, en s’engageant dans sa vie sociale, en assumant ses attributs masculins dans une saine compréhension du rapport homme/femme que l’homme peut à la fois renouveler et renforcer son identité. Ainsi, les hommes du Québec pourront-ils se libérer pour entretenir des relations saines et harmonieuses avec les femmes.

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Références

* Élisabeth BADINTER, Fausse route, Paris, Odile Jacob, 2003, p. 184.

** André LEDOUX, De l’homme en crise à l’homme nouveau. Essai sur la condition masculine, Québec, Option Santé, 2009, p. 64.

Source : http://andreledoux.blogauteurs.net/blog

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