ABCD de l’égalité … Et les garçons ?

posté par Sylvie Blanchet le 8 mars 2014

 L’idée qui préside à l’expérimentation du programme ABCD de l’Egalité, c’est celle d’aider les filles à se montrer plus audacieuses : on sait en effet qu’à l’école, elles réussissent globalement nettement mieux que les garçons ; mais qu’elles ont tendance à être moins ambitieuses, de sorte qu’elles arrêtent plus tôt leurs études ou de sorte qu’elles ne s’autorisent qu’un choix limité de filières, rarement les plus prestigieuses : le fameux plafond de verre ! Si l’on veut que les plus hautes fonctions ne soient plus le monopole de la gente masculine, il est nécessaire qu’une élite féminine suffisamment nombreuse soit prête à les occuper.

 

Des garçons en échec massif

 

Reste que ce programme occulte à mon sens une réalité aux conséquences autrement préjudiciables : celle de l’échec scolaire des garçons, et plus particulièrement des garçons de milieux populaires. Sur le site ABCD de l’égalité figure une indication qui à elle seule en dit long : 9,5 % des filles et 16% des garçons entrés en classe de 6° en 1995 sont sortis de l’école sans le moindre diplôme !

Mais c’est à Jean-Louis Auduc, ancien directeur adjoint de l’IUFM de Créteil, que l’on doit les travaux les plus approfondis concernant la différence de réussite scolaire entre filles et garçons … Quelques exemples : les classes de SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté, réservées aux collégiens dont le niveau scolaire est trop faible pour qu’ils puissent suivre un cursus ordinaire) comptent 70 % de garçons ! Les filles connaissent à 4,9% de sérieuses difficultés de lecture ; mais pour les garçons, le taux s’élève à 8,9 ! Ce qui fait dire à Jean-Louis Auduc que « les statistiques indiquent que la fracture sexuée atteint de tels écarts (entre 10 et 14 points) pour certains paramètres (compétences en lecture, pourcentage à 17 ans en lycée général, pourcentage d’une classe d’âge réussissant le baccalauréat) qu’elle apparaît comme plus déterminante que la fracture sociale ».

J’avoue être restée dubitative face à cet énoncé. Reste que les chiffres avancés par Jean-Louis Auduc n’ont jamais, à ma connaissance, été mis en cause. Et reste qu’à y regarder d’un peu plus près, je m’aperçois que l’échec massif concerne bien en effet, dans mon secteur, très majoritairement des garçons.

Souvent, cet échec se manifeste tant par des résultats médiocres que par de sérieuses difficultés d’adaptation au système scolaire, à ses lois et à ses normes. Toujours sur la défensive, prompts à se poser en victimes, intolérants à la frustration, peu persévérants, ces garçons en viennent, au fil des ans, à décourager les meilleures volontés éducatives. De sorte que l’on se demande, à les regarder, quelle place ils pourront bien, par la suite, trouver au sein de la société.

 

En France et ailleurs

 

Nous pourrions, pour nous consoler, nous dire qu’il en va de même partout. Certes, mais pas partout à la même échelle, tempère Jean-Louis Auduc : les pays nordiques, les pays anglo-saxons et ceux d’Europe Centrale présentent des écarts bien inférieurs à ceux de l’Europe du Sud. Et aussi bien inférieurs aux nôtres !

Il y a là un vrai, un gros problème. Jean-Louis Auduc avance une explication : « Plus les stéréotypes sexués président à l’éducation des enfants, plus les garçons sont en échec. Ainsi, c’est au sein des cultures méditerranéennes et des familles qui reproduisent le plus fidèlement la différentiation traditionnelle des rôles sexués que les performances scolaires des unes et des autres sont le plus éloignées, au détriment des garçons.» C’est que, pour lui, « la socialisation et l’éducation des garçons les prédisposent à une adaptation plus douloureuse au milieu scolaire. Les aptitudes et les qualités réputées masculines, telles que l’affirmation du moi, la force physique ou l’insoumission, moins valorisées au sein de l’institution, se retournent contre eux pour les rendre inadaptés au système scolaire. » « A rebours des conceptions communes, conclut-il, le genre féminin n’est pas le seul perdant des stéréotypes sexués. »

En tant qu’outil de lutte contre ces stéréotypes, l’ABCD de l’égalité me semble pouvoir être considéré comme un outil intéressant. Reste que l’on peut se demander si la cible première, les filles et leur manque d’ambition, est tout à fait judicieux ou s’il n’aurait pas fallu se préoccuper aussi, voire d’abord, de ces cohortes de garçons en délicatesse avec les usages et les savoirs scolaires.

Garçons qui font figure de grands oubliés … Il est assurément étonnant que l’ouvrage de Jean-Louis Auduc (Sauvons les garçons ; éditions Descartes et Compagnie ; 2009) n’ait pas suscité d’électrochoc du côté de l’institution Éducation Nationale. Tout comme il est étonnant que le site ABCD de l’égalité ne le mentionne pas en tant que possible ressource documentaire ! 


http://aide-a-l-ecole.blogs.la-croix.com/abcd-de-legalite-et-les-garcons/2014/03/08/
 

Quand l'éducation national ne prend en cause que les filles pour les programmes :
 
Cette année encore, le rapport annuel, qui étudie les résultats aux examens (cap – bep – bacs) en EPS, met l’accent sur les inégalités entre filles et garçons. « Dans l’attente d’une réorganisation significative de l’offre de formation prenant mieux en compte les attentes et les appétences des filles, la commission nationale invite les commissions académiques à mettre tout en œuvre pour réduire l’écart entre les filles et les garçons ».
 
C’est que pour tous les examens l’écart entre les sexes est de 1 point de moyenne au détriment des filles. Le javelot, le pentabond, le volley, le tennis de table, le basket et le handball sont particulièrement négatifs pour les filles. Or justement, les épreuves les plus répandues sont le badminton, le volley, le demi-fond et le tennis de table.
 
La commission préconise donc une nouvelle liste d’épreuves : « la commission nationale préconise que la liste nationale subisse un renouvellement et soit composée des cinq binômes suivants : demi fond et badminton, demi fond et tennis de table, tennis de table et sauvetage, basket-ball et gymnastique, basket-ball et sauvetage ».