Chantal Delsol analyse la théorie du genre

Cette théorie relève d’une idéologie sectaire.

Depuis le 28 janvier, une affaire de catéchisme à l’école fait des ravages dans les médias. Il semble qu’un certain nombre de familles mettent en cause le catéchisme et les dogmes attenants, entendons le discours du genre. Il semble aussi que ces familles récalcitrantes ont été plus ou moins trompées par des messages excessifs ou même faux. Il y a donc des gens qui jouent de dérision pour tenter de subvertir les paroles du ministère de l’éducation. Or ces paroles sont sacrées. C’est péché de s’en moquer.

Ledit discours du genre ressemble tellement à une religion qu’on ne peut s’empêcher d’utiliser, pour en décrire les aventures, du vocabulaire religieux. Elle relève de l’idéologie, dont elle porte le fanatisme et l’irréalité. Ses défenseurs sont des apôtres excités, jamais fatigués, toujours l’injure aux lèvres.

Les textes du gouvernement concernant l’école précisent que les enfants appartiennent à l’Etat. Les textes concernant le genre, du même acabit, voudraient nous précipiter dans une société surréelle, mélange de George Orwell et de Nicolae Ceaucescu, où rien n’est à sa place, où rien n’a aucune place, puisque c’est le pouvoir, et les gardiens de l’orthodoxie régnante, qui décident de l’ordre du monde. Cela est si invraisemblable, si farfelu et si grotesque, que sans nul doute les humoristes vont s’y mettre. En lisant ces textes, certains peuvent avoir l’impression bien fondée qu’à partir de là, n’importe quoi peut être dit sans porter préjudice au bon sens. Comme on le sait, tout ce qui est excessif est insignifiant, et l’insignifiance fait rire, il n’y a plus que cela pour desceller des projets à la fois illuminés et pompeux. Voyez de quoi les Femen sont capables.

Nos gouvernants ne doivent pas s’imaginer qu’ils réduiront si facilement les familles françaises à croire que les garçons et les filles ne sont différents que là où le ministère le décide. Car dans la simple réalité, il n’en va pas ainsi. Et les familles ne sont peut-être pas versées dans la métaphysique des sphères, mais pour autant elles ne sont pas idiotes, et lorsqu’il s’agit de leurs enfants, elles sont déterminées pour refuser qu’on leur fasse avaler des pantalonnades pareilles.

ET CE SONT LES FILLES QUI EN FONT TOUJOURS LES FRAIS

La différence sexuelle engendre des hiérarchies, des discriminations et des inégalités injustes. Et ce sont les filles qui en font toujours les frais. Cela est historique. Faut-il donc supprimer les différences pour supprimer les discriminations ? On songe à cet anarchiste du XIXe siècle qui voulait rayer une ville de la carte pour supprimer la pauvreté qui y régnait. Lorsque tous les pauvres seront morts, lui répondait un autre, il n’y aura plus de pauvreté. Quand au lieu de garçons et de filles vous n’aurez plus qu’un sexe indéterminé, un Tomboy montré en modèle universel dans toutes les écoles de la République, alors il n’y aura plus de discrimination, mais il n’y aura plus de différences non plus. L’indétermination n’est pas l’idéal à poursuivre pour empêcher les inégalités injustes. Celles-ci, mieux vaudrait les combattre en mettant en valeur les différences et leur complémentarité.

Pourtant les choses sont plus compliquées. Le discours sur le genre n’évince pas l’altérité en soi, mais il ne reconnaît que les altérités construites, voulues, légitimées par la culture dominante et par les individus eux-mêmes. Les différences ne sont pas reçues, elles doivent être voulues. Le gender est moins une volonté d’indétermination et de retour au chaos qu’une volonté de re-nommer les êtres et de re-programmer les différences que l’ordre naturel avait (mal) faits. On dirait bien que deux totalitarismes ne nous ont pas encore déniaisés, ni découragés de vouloir prendre la place du créateur. Couvrir la terre de déchets qui la stérilisent et nier la masculinité, c’est le même comportement, qui consiste à récuser jusqu’à la révolte un ordre que nous n’avons pas nous-mêmes programmé. Dans notre mythe originel, l’ange du mal n’avait rien fait d’autre.

L’IDÉAL D’ÉMANCIPATION

Cette idéologie, qui s’avance comme un destin irrémédiable ou comme l’esprit d’Hegel, de quoi est-elle le nom ? Elle répond à l’idéal d’émancipation qui habite la culture européenne depuis les origines, et dont les concrétisations parsèment notre histoire et la façonnent. Seule culture dans laquelle on peut trouver des oeuvres comme L’Asservissement des femmes de Stuart Mill, ou Une chambre à soi de Virginia Woolf, avec toutes les mesures politico sociales que cela entraîne.

Pourtant, il est regrettable de voir cette belle histoire d’émancipation s’enrayer dans l’extrémisme et le fanatisme. Comment se préserver de l’extrémisme que déploient des discours comme celui du gender ? En prenant en compte, non seulement l’émancipation enviable, mais aussi l’enracinement nécessaire qui nous arrime à la condition humaine, à l’histoire, aux exigences naturelles élémentaires. Supprimer tout enracinement : c’est ce qu’avaient tenté les soviets, à ce point que Trotski disait à ce sujet : nous vivons à présent dans un bivouac. Une société humaine ne peut pas faire sa demeure dans un bivouac.

http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/01/30/theorie-du-genre-cette-theorie-releve-d-une-ideologie-sectaire_4357401_3232.html

 

"Rappel rapide: la théorie du genre affirme que la biologie n’a aucun lien avec la définition du masculin et du féminin, qui ne seraient que des constructions sociales et culturelles. Corps et culture sont découplés, dissociés, comme une sorte de schizophrénie intellecuelle. Toute différence est niée, le corps est refusé. Sauf, étonnement, quand il s’agit d’accuser les hommes d’une supposée mise en esclavage des femmes et de leur attribuer toute la charge du mal de la planète. Un des résultats de cette théorie est le refus de différencier les enfants et de nier toute identité fondée sur le sexe biologique. L’école suédoise d’Egalia est l’un des plus graves exemples de cette volontaire destruction des identités, de cette déculturation. De cette négation de millions d’années dévolution."

 

"Le gender est donc un danger pour la société, une volonté de la détruire pour la remplacer par un égalitarisme forcé. C’est aussi en filigane une charge contre les hommes toujours accusés d’avoir inventé les genres à leur seul profit. Rappelons-nous que la théorie du genre valide la victimisation féministe systématique - le fond de commerce du féminisme.

Tout en prônant une indifférenciation on reconstruit une différence et un stéréotype. Mais la supposée violence de genre et la supposée domination masculine ne sont que du pipeau, une lecture biaisée et orientée des relations hommes-femmes. Les féministes ont pris de relais de Lénine et de sa clique. Il y a le feu dans la maison. Le gender doit être éliminé de la société, ainsi que le féminisme qui s’y réfère."

 

Un extrait d'un livre :

Le kibboutz Kiryat Yedidim fut fondé en 1920 dans ce qui était alors la Palestine sous mandat britannique avec l’objectif avoué de réaliser une égalité parfaite entre les hommes et les femmes. Par un système de rotation sur les différents postes de travail, uns et les autres réalisaient exactement les mêmes travaux, manuels ou non. Les enfants étaient également éduqués sans aucune distinction et préservés du monde extérieur. Filles et garçons dormaient dans les mêmes dortoirs et prenaient les douches ensemble. On veillait à ce qu’ils aient les mêmes jouets, l’enseignement qui leur était donné était identique et l’éducation qu’ils recevaient était expurgée de tout ce qui pouvait apparaître comme un stéréotype.
Et puis les choses se dégradèrent. Arrivées à l’adolescence, les filles commencèrent à se rebeller contre le fait de se dénuder devant les garçons et obtinrent des douches à part et dans les chambres mixtes, les uns et les autres ne se déshabillaient plus en même temps. Un peu plus tard, en 1951, des sociologues venus étudier le modèle de Kiryat Yedidim constatèrent que les enfants de cette première génération n’avaient pas assimilé les cours sur les stéréotypes. Quand par exemple on donnait un ballon à des garçons, ceux-ci persistaient à imaginer un jeu de compétition tandis que les filles y trouvaient plus un prétexte pour un jeu de rôles.
En 1969, le kibboutz fit l’objet d’une nouvelle étude. Les enfants qui avaient été élevés dans un cadre « sexuellement neutre » étaient devenus des adultes dans la force de l’âge. On constata avec horreur que la rotation sur les tâches avaient été abolie et que 88 % des femmes travaillaient dans les soins aux enfants et les services alors que la grande majorité des hommes étaient agriculteurs. Pire encore, sans doute par un complot dont la subtilité avait échappé à tous, les hommes étaient parvenus à être à la tête de la plupart des comités qui géraient la vie du Kibboutz et deux femmes sur trois n’exerçaient aucun rôle dans la gouvernance du kibboutz. Le même phénomène fut observé dans les autres kibboutz qui avaient pratiqué une approche similaire. Hommes et femmes s’obstinaient à ne pas le devenir mais à l’être.

Source : Stephen Peter Rosen, War and Human Nature, Princeton University Press, 2004, p. 79 (reprenant les travaux de Melford E. Spiro)